Cette mission 2022 à Nioki fut pour moi riche en émotions.
Je ne m’attendais pas à vivre une telle aventure humaine.
Ne pratiquant plus la chirurgie de cataracte depuis 10ans, je n’étais pas
certaine de l’aide que je pourrais amener lors de cette mission. J’ai été vite
rassurée.
Quelques heures après avoir atterri à Nioki, les consultations commencent. Il
y a près de 100 patients à examiner chaque jour. Mon rôle est de
diagnostiquer les patients souffrant de cataracte que Jacqueline et Hedwig
pourraient aider par chirurgie, dépister les glaucomes et expliquer le long
traitement, traiter par laser les cataractes secondaires, ou simplement
prescrire des lunettes. Les patients se succèdent et j’essaie avec Tatiana et
Michel, mes collègues ophtalmologues, de prendre le temps d’écouter
chaque inquiétude et de répondre à chaque question. Entre 2 patients, nous
expliquons à Éric et Gustave, 2 infirmiers congolais, ce que nous avons
observé et pourquoi tel traitement est prescrit. Leurs connaissances
scientifiques et du lingala, leur soif d’apprendre et leur dévouement à la
mission m’ont épatée. Un lien s’est créé entre nous et ils nous ont emmenés
voir l’école de leurs enfants et nous ont couverts de délicieux avocats qui se
sont transformés en un succulent guacacongo dans les mains expertes
d’Hamza.
Lorsque j’ai eu quelques instants, je suis allée découvrir le repaire de Guido
et ses centaines de montures données par des belges et néerlandais à qui
elles ne servaient plus. Ces lunettes font le bonheur de nombreux patients et
le sourire qui éclairait leur visage illuminait ma journée.
Car le moral est parfois soumis à rude épreuve et peut tomber très bas. Que
ce soit des enfants, de jeunes adultes ou des personnes âgées, trop
nombreux sont ceux à qui nous avons dû expliquer les limites de la
médecine et déclarer notre incapacité à les guérir. Nous avons dû alors
observer et entendre, impuissants, la détresse muette ou assourdissante de
ces personnes pour qui nous étions le dernier recours.
Heureusement chaque matin, les patients opérés de cataracte quelques
jours plus tôt nous attendent pour leur rendez-vous de contrôle. Ils rient et
réclament des photos. Une petite partie de leur vie s’est éclaircie grâce à
cette intervention. A cet instant, nous savons que chacun de nos gestes ici à
Nioki a un sens.
Dr. Ariane Milet
Komentarze